BLOGUE INVITÉ. Depuis lundi, j’écoute et je lis les déclarations de la cheffe du parti Libéral du Québec au sujet de la crise qui secoue les libéraux à la suite des allégations de harcèlement psychologique formulées contre une de ses députés. J’admets que je suis perplexe face à sa manière de jongler avec la confidentialité et la discrétion que requiert normalement le traitement d’une telle plainte.

À entendre Dominique Anglade, la députée libérale faisant l’objet des allégations est coupable. La situation serait si sérieuse et préoccupante que l’expulsion de la députée Montpetit serait une option envisagée. La cheffe affirme avoir reçu « chaque heure » des informations supplémentaires, qualifiant la situation d’extrêmement sérieuse. Elle tient à ce que le message soit clair et compris de tous: tolérance zéro pour tout ce qui n’est pas sain.

Or, selon ce qu’on en sait, nous sommes toujours au stade du dépôt de ces allégations. Aucune enquête n’a encore eu lieu. Ce que Dominique Anglade a devant elle, ce sont des allégations, et rien d’autre. Je ne dis pas que ce qui est avancé n’est pas vrai. Ce que je dis c’est que rien n’a encore été démontré, validé, corroboré, vérifié. Il vaut donc mieux user de prudence.

En matière de harcèlement psychologique, on ne considère pas d’emblée qu’une plainte est fondée. Au contraire, la tenue d’une enquête sert à colliger toute l’information pertinente et ultimement à déterminer si la plainte est fondée. Il n’y a pas de renversement automatique du fardeau de la preuve. Il ne revient pas à Marie Montpetit de démontrer qu’elle n’est pas coupable; il revient au(x) plaignant(s) de démontrer ce qu’il(s) avance(nt). Tant que la crédibilité des parties et une vérification rigoureuse et prudente des faits n’ont pas eu lieu, on ne peut présumer de rien et surtout, ne rien conclure.

La confidentialité est une des pierres angulaires du traitement d’une plainte de harcèlement. D’abord pour protéger et assurer à toutes les parties concernées un traitement équitable et une certaine discrétion le temps qu’on fasse la lumière sur les allégations formulées, mais aussi pour protéger l’intégrité du processus d’enquête.

Si Dominique Anglade a voulu court-circuiter la sortie imminente de ces allégations dans les médias, elle semble en revanche avoir oublié que le traitement d’une plainte de harcèlement n’est pas un exercice de relations publiques ou de politique. Il s’agit d’abord d’un processus administratif interne qui commande la plus grande discrétion.

Il vaut mieux éviter les déclarations et insinuations qui laissent présumer de la culpabilité de la personne contre qui la plainte est formulée, ou encore de dire qu’on a «choisi notre camp». Tout comme il est préférable de bien réfléchir à l’imposition de mesures de protection telles qu’une suspension, un renvoi ou un retrait des responsabilités qui envoient un message de même nature avant même d’avoir mené une enquête. Il est vrai que certaines mesures de protection sont souvent nécessaires, mais ces dernières doivent correspondre à ce qui est nécessaire pour assurer la protection des parties le temps que l’enquête suive son cours.

L’obligation première d’un employeur face à une plainte de harcèlement psychologique est de prendre les moyens raisonnables pour prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique, et non de faire bonne figure dans l’opinion publique.

Au stade du dépôt des allégations, les actions à poser doivent être soigneusement choisies pour éviter de nuire aux parties et au déroulement de l’enquête. Dans tous les cas, gardez en tête ce qui suit: prudence et discrétion.

 

Pour consulter la publication originale : https://www.lesaffaires.com/blogues/genevieve-desmarais/-harcelement-psychologique-et-declarations-publiques-prudence/628591

 

Harcèlement psychologique et déclarations publiques: prudence!

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